vendredi 7 janvier 2011

FORTIFICATION DES ILES SAINT MARCOUF

Fortification des îles Saint-Marcouf

Dès 1802 des dépenses furent faites pour améliorer les fortifications des îles saint Marcouf, sans toutefois faire de grosse construction. La dépense se montait alors pour cette année 1802 à 4.709,54 francs de l’époque.
Les constructions que les Anglais avaient laissées consistaient, sur l’île du large, en un fort carré armé de canons et de différents baraquements pour le logement des soldats et marins anglais. A cette époque la chapelle construite par les Cordeliers quelques siècles auparavant était toujours debout, et elle ne sera détruite que lors de la construction de la tour de cette île du large. Toute la terre qui servit à l’édification des remparts fut amenée par les Anglais de leur propre territoire.
Celle-ci se composait de gazon glaiseux taillé en forme de briques. Les chemins des îles étaient pavés de galets. Le pourtour de l’île était armé de canons. Un système défensif similaire existait sur l’île de terre. Voir le plan des îles Saint-Marcouf dressé en 1796 par les Français et adressé au ministre de la Guerre.
Sur l’île du large commencèrent en 1803 les grosses constructions, avec l’édification de la tour centrale que nous connaissons encore aujourd’hui. Cette
construction ne sera achevée qu’en 1813 ( voir le plan ). Des crédits furent donc affectés au ministère de la Guerre pour la réalisation de ce projet, qui se montèrent à 6.484,51 francs pour le premier semestre de 1803 et de 193.515,49 francs pour le second semestre de cette même année.
Les années suivantes les travaux continuèrent, engloutissant toujours plus de fonds ; en 1804, la dépense se monta à 182.010 francs, en 1805, 60.000 francs, en 1806, 115.000 francs, et en 1807, 163.100 francs.
En 1807, l’état des fortifications était le suivant. Le rapport du corps impérial du génie de Cherbourg du 10 octobre 1807 mentionne que les travaux continuent activement et permettent d’assurer la sécurité du cabotage qui se fait entre Cherbourg, La Hougue, Rouen et Le Havre. A cette époque la grosse tour centrale de l’île du large n’est pas terminée car l’affectation des crédits du ministère de la Guerre est insuffisante. L’armement des îles se compose de 45 bouches à feu, dont 9 mortiers à grande portée, 6 canons de calibre 36, 23 canons de 24, un canon de 12, un canon de 8, un de 6, et 4 obusiers.
L’estimation des dépenses à engager pour continuer les travaux défensifs sont à cette date de 1807 estimés à :
188.000 francs pour terminer la tour de l’île du large.
200.000 francs pour le revêtement et le rempart de la nouvelle enceinte de l’île du large, et de la batterie à l’ouest de l’île de terre.
100.000 francs pour la construction des quais du havre de l’île du large.
72.000 francs pour la construction du bâtiment de l’île de terre destiné à abriter 30 ou 40 hommes.
24.000 francs pour la construction de 7 petits magasins à poudre et de 9 grandes barrières sur les deux îles.
16.000 francs pour frais imprévus.
Soit un total de 600.000 francs.
Le rez-de-chaussée de la grande tour de l’île du large se compose de 24 casemates dont l’affectation est la suivante :
Casemate 1, entrée de la tour.
Casemate 7, entrée des souterrains de la tour.
Casemate 13, entrée de la citerne, qui peut en outre servir de magasin pour des barriques.
Casemates 15, 16 et 17, magasins à poudre.
Casemates 18 et 19, magasins d’attirail pour l’artillerie.
Casemate 22, latrines pour les officiers et les soldats.
Casemate 24, corps de garde et salle de police.
Les 14 autres servent de logements de la garnison.
Chaque casemate a une surface au sol de 34,44 mètres carrés. Deux casemates sont affectées aux citernes d’eau et peuvent contenir 105.000 litres, cette réserve d’eau pouvant être portée à 134.800 litres. Du bois de chauffage est également stocké dans ces souterrains, ainsi que des réserves de nourriture, comme de la viande salée.
En 1807, les projets de fortification des îles n’étaient pas encore complètement arrêtés, car il était aussi question de raser l’île de terre jusqu’au niveau des plus basses mers, ceci afin d’éviter que l’ennemi ne puisse se cacher à l’abri de cette île pour bombarder tranquillement l’île du large. Ce projet qui avait pourtant été approuvé par Napoléon ne verra jamais le jour. Il était même question dans ce projet de construire deux petites forteresses sur le banc du Bec (lettre du général Marescot de 1807. SHAT article 8 P.A.). Le projet d’arasement de l’île de terre était déjà en question en 1804.
La tour centrale de l’île du large était prévue pour recevoir 210 hommes, dont sept officiers, mais la circulaire ministérielle du 28 septembre 1825 réduisit cette possibilité à 116 hommes. D’autres hommes pouvaient loger dans les bâtiments construits pour certains depuis 1804, ils étaient en pierre, mais vers 1825 certaines constructions  en bois qui avaient été faites par les Anglais subsistaient et servaient à loger quelques officiers. L’une d’elles servait encore en 1826 à loger le cantinier. Il était d’ailleurs question de démolir ces baraques en fort mauvais état. Beaucoup de baraques en bois qui, elles, avaient été construites par les Français furent détruites dès 1812. Elles avaient servi à abriter les hommes du génie pour la construction des fortifications. Sur cette île du large existait dès 1806 une prison construite à l’extérieure de la tour et dans la tour une casemate faisait office de cachot.
Sur l’île de terre les constructions des Français consistaient à établir des batteries de canons en différents points de l’île ainsi qu’un bâtiment en maçonnerie voûté pour servir de prison, et  cela dès 1805. D’autres bâtiments furent construits pour le logement des officiers et soldats, et quelques autres pour servir de magasin à poudre ou à vivres. Ceux-ci furent démolies en 1812 et 1818, et en 1826 l’île de terre était déjà abandonnée.
Dès 1805 le commandement des îles Saint-Marcouf fut confié à Monsieur Mayeux, chef de bataillon qui y résidait encore en 1812 et faisait le rapport suivant : J’ai sous mes ordres une garnison de 200 hommes, dont 75 hommes du 113e régiment d’infanterie de ligne commandé par un lieutenant, et 125 canonniers vétérans de la 11e et 17e compagnie commandées par  deux  officiers. Ces  troupes  sont  réparties dans les deux îles,celle de terre n’est gardée que par 25 canonniers vétérans sous les ordres d’un capitaine et un détachement de 15 hommes d’infanterie sous la conduite d’un sergent. Ces 40 hommes sont logés dans le blockaus de la redoute et dans un petit corps de garde. 
La garnison de l’île du large est composée de 100 hommes canonniers vétérans commandés par un lieutenant, et 60 hommes d’infanterie de ligne aussi commandés par un lieutenant. Sur l’île du large, les canonniers sont tous logés à l’extérieur de la tour, les uns dans le blockaus, les autres dans une baraque ou caserne extérieure.
Le détachement du 113e régiment est établi dans les casemates de la tour.
Sur l’île du large un officier de santé, muni des objets nécessaires au traitement des maladies passagères et à l’application des premiers appareils.
L’armement actuellement en batterie dans les îles Saint- Marcouf n’est que provisoire ; la tour est cependant déjà succeptible de recevoir son armement complet de 43 bouches à feu. L’armement provisoire expédié dans les îles Saint-Marcouf  consistait en 50 bouches, 2 d’entres elles ont été renvoyées sur le continent.
Lors du service, 3 sont sur chantier et 45 sur batterie.
Ile du large : batterie dans la tour 22 canons, batterie extérieure 18 canons
Ile de terre : batterie dans la redoute et les lignes extérieures 5 canons.
Les poudres sont déposées dans un magasin de l’île du large dont la plus grande partie dans les deux casemates de la tour disposées à cet usage.

L’île de terre stocke une quantité de poudre proportionnée au nombre de bouche à feu.

Nos stocks de munitions sont :
2.372 boulets de 36
715 de 24
143 de 12
49 de 8
50 de 6
132 boîtes à balles de 8 et de 6
652 boites à mitrailles de 36, 24, et 12
1.892 bombes de 12
700 obus de 6
1.300 grenades à main
37.000 kilos de poudre en barils
2300 kilos de poudre confectionnée
68.000 cartouches d’infanterie


L’approvisionnement de vivres de réserve que l’on conserve dans les magasins des îles Saint Marcouf est complété à raison de 400 hommes pendant 2 mois. On y maintient en outre un tiers en sus de l’approvisionnement en biscuit et en lard salé, pour subvenir aux besoins de la garnison lorsque le mauvais temps ne permet pas de communiquer avec Saint Vaast, d’ou la garnison reçoit habituellement les vivres fraîches.
Les vivres de réserve sont renfermés dans la casemate de la tour à l’exception d’un petit approvisionnement particulier déposé dans l’île de terre. Outre la grande citerne renfermée dans la tour, chacune des îles en contient une susceptible de contenir 22.000 pots d’eau. La grande citerne de la tour contient 55.000 pots d’eau (SHAT 1M-1305)

Sous le commandement de Mayeux l’on construisit sur l’île du large un sémaphore, lequel entra en service le 1er janvier 1807. La description qu’il en fit à cette époque est relatée comme suit (SHAT 1M-1942) :

Le sémaphore est une espèce de télégraphe de mer : c’est une machine de nouvelle invention mise en usage depuis le premier janvier 1807. Elle a été substituée au mât de vigie pour transmettre les signaux sur la côte. Cette machine se compose d’un montant ou mât qui en est la pièce principale, et de trois branches ou ailes mobiles placées de manière à prendre au moyen de trois poulies fixées au pied du mât, une position soit verticale ou oblique, ou horizontale. Les trois ailes sont noires d’un côté et blanches de l’autre ; et c’est la combinaison des angles qu’elles font de leur couleur que se déduit le moyen d’indiquer la position et l’espèce de bâtiment qu’on signale.
Le sémaphore, comme on peut en juger par cette description, est bien simple en lui- même. Il est très commode aux gardes-vigies qui ont bien moins de mal à s’en servir qu’à développer et hisser les pavillons, ce qui dans les grands vents surtout, leur causaient beaucoup de peine et d’embarras. Mais on prétend que les bâtiments de l’état, en mer, ne retirent pas autant d’utilité du sémaphore que du mât de vigie.
Les années se succédaient les unes aux autres sans que rien ne vienne perturber les travaux si ce n’est le manque chronique de crédit. Au fils du temps les îles perdirent peu à peu leur intérêt stratégique et la garnison fut allégée. En 1824 il n’y avait plus sur les îles que 14 hommes, dont 1 homme d’état major d’artillerie, 1 homme d’état major du génie, 3 sous-officiers et soldats d’artillerie, et 9 sous-officiers et soldats d’infanterie (SHAT 1M-1240)
Le 10 juillet 1851 une loi fut votée classant les îles comme simple poste militaire, et elles furent définitivement déclassées par la loi du 31 décembre 1875 (SHAT Art. 8  section 2 )
Les dépenses pour la construction de ces fortifications furent à l’époque conséquentes, et qualifiées de travaux  extraordinaires. Bruno Boyer, alors
capitaine au corps impérial du génie, et faisant office de sous-directeur des fortifications, fit dans son rapport de décembre 1811 apparaître la somme de 1.034.819,68 francs rien que pour l’édification de la tour de l’île du large, et de quelques aménagements de baraques ici et là.
Les travaux de construction et d’améliorations des fortifications étaient encore à l’ordre du jour en 1868, où il était question d’améliorer le havre de l’île du large par le creusement de celui-ci, et de procéder à l’allongement du quai afin de rendre plus aisé le débarquement du ravitaillement.

Il en fut question dans un courrier du ministère de la Marine et des Colonies datée du 21 juillet 1868.

Proposition de travaux dans le but de permettre l’accés des îles Saint Marcouf à toutes heures de marée par les bateaux employés au ravitaillement.
Les travaux sont estimés à 129.000 francs.
Ils consistent à allonger la jetée actuelle de l’île du large et d’approfondir le chenal et le port, et de creuser au milieu du chenal une cuvette dont le plafond serait tenu à la cote moins 4,50 métres.
Ceux de l’île de terre comprendraient un débarcadère abrité par une jetée.
Les dépenses, au total 129.000 francs seraient à répartir comme suit.
7/10e au compte du département de la guerre.
1/10e à la charge des ponts et chaussées.
2/10e à la charge de la marine.
Cette répartition a été critiquée lors des délibérations du 24 mars 1868, en effet la marine ne veut prendre part qu’aux travaux de l’île du large à hauteur de 1/10e du coût total des travaux de l’île du large soit, 10.300 francs.
Mais la marine est priée de prendre en charge 27.000 francs pour l’ensemble des travaux.
Signé Le conseiller d’état Directeur du matériel. (Arch. Nat. DD2-896 marine )
Cette proposition étant faite, il restait à trouver les fonds ; or le département de la guerre n’avait plus de fonds disponibles en 1868 pour ces travaux, et le maréchal de France, ministre secrétaire d’Etat de la Guerre, écrivit au ministre en ces termes :

Paris le 13 aout 1868.

Monsieur le ministre et cher collégue,

Aux termes de la délibération de la commission mixte des travaux publics en date du 8 juin 1868 relative au projet d’amélioration des îles Saint-Marcouf et aux conclusions de laquelle vous avez adhéré, l’exécution des travaux doit être confiée au service du génie au compte des administrations intéressées, dans la proportion suivante :
1/10e au compte du département des travaux publics, soit environ 13.500 francs.
2/10e au compte de la marine...........................…27.000 francs.
7/10e au compte du départ de la guerre............….94.500 francs.

Total . 135.000 francs.
La part afférente au département de la Guerre ne pouvant être comprise que sur le budget de 1870, je vous annonce que je ne pourrai disposer d’aucun fond avant cet exercise ; mais si votre Excellence consent à réserver sur l’exercice 1869 la part contributive qui incombe à la marine, les travaux pourraient être entrepris en 1869 avec ces fonds concurrement avec la part des travaux publics.
Ces travaux alors continués à partir de 1870 sur les fonds du budget de la guerre.
Je serai obligé à votre excellence de me faire savoir si elle accepte ma proposition.
Agréez, Monsieur le Ministre et cher collégue, les nouvelles assurances de ma  haute considération.(Arch. Nat. DD2-896. marine.)
Mais ces travaux seront purement et simplement ajournés dés novembre 1868 par le ministre secrétaire d’état de la Guerre, car la garnison des îles venait d’être provisoirement supprimée. (Arch. Nat. DD2-896 marine)

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