vendredi 7 janvier 2011

PROJET D'ARMEMENT DES ILES SAINT MARCOUF

Projet d’armement des îles Saint Marcouf


De tout temps les îles Saint-Marcouf ont constitué une base pour les pirates, les trafiquants de tous poils, les corsaires, et plus récemment, à la fin du XVIIIe siècle, elles furent occupées par les Anglais qui, malgré diverses tentatives pour les en déloger, réussirent à les garder jusqu’au Traité d’Amiens du 25 mars 1802, où elles furent rendues à la France.
De très nombreux projets d’armement et de fortification des îles saint Marcouf furent proposés. Sous Louis XIV, le maréchal de Vauban émit le projet de construire un fort sur l’île du large mais ce projet ne fut pas retenu.
Enfin, en 1756 il fut décidé d’installer une batterie de canons sur les îles.
Voici un rapport daté du 21 avril 1756 sur le projet d’établissement de batteries sur les îles saint Marcouf : 10.000 livres furent accordées pour la construction des redoutes, malgré l’avis défavorable de ce rapport qui juge que la dépense est inutile.


Observations sur l’établissement des batteries proposées par M. le Comte de Raymond sur les îles de Saint Marcou et de Chausey


Premièrement

Les îles de St. Marcou situées à la distance de deux lieües et demie de la côte de la Hougue servant d’abry aux corsaires qui se retirent dans une petite anse praticable à des batimens qui tirent 10 à 12 pieds d’eau, sur lesquelles il est proposé d’y élever des batteries de 2 pièces de canon chacune a l’effet de les en éloigner.

On observe que l’ennemi ne viendra pas se mettre à portée des batteries proposées et qu’il se tiendra au delà pour nous inquiéter et intercepter toutes communications de la terre ferme avec cet établissement dans la vüe qu’en le privant des secours de vivres, il le réduira dans la nécessité de se rendre ; et que s’il arrivoit qu’il s’en empara par famine, par surprise, ou autrement, il faudroit une expédition en règle et très couteuse pour s’en resaisir. Elle seroit même nuisible en ce que s’en étant saisie, il pourroit avec 30 hommes et quelques pierriers interompre toute pêche dans la grande anse de la Hougue, c’est à dire, ce qui seroit derrière lui à tirer une ligne droite depuis Barfleur jusque en Port en Bessin .
Ces inconvéniens joints au peu d’utilité dont seroit l’établissement des batteries proposées semble ne pas inviter à leur dépense (…)

Les projets d’armement et de fortification des îles saint Marcouf suscitent de nombreuses controverses, car les uns sont contre toutes dépenses et donc laisser les îles en l’état, d’autres proposent la construction de véritables fortifications, un troisième groupe d’hommes estime qu’une  simple  installation  de  quelques  canons et d’un détachement d’hommes serait suffisant pour défendre les îles, et le cabotage.

Pourtant, les études et les mémoires sur ces îles saint Marcouf, fleurissent, mais, sur les îles, seule l’ancienne chapelle des Cordeliers dresse sa silhouette et permet aux marins pêcheurs de s’y mettre à l’abri quand le temps est mauvais. Afin de mieux connaître quel était l’état des îles saint Marcouf au milieu du XVIIIe siècle, nous reproduisons un mémoire d’observation sur les îles Saint-Marcouf daté de 1756.

MEMOIRE ET OBSERVATIONS SUR LES ISLES St. MARCOU   21 aoust 1756


Les isles de St. Marcou sont sçituées à trois lieües de la Hougue au Sud-Est de la tour de la Hougue et à pareille distance à peu prés au Sud-Est quart de Sud de celle de l’isle de tatihou ; elles ne sont éloignées que d’environ une lieüe et demie de la côte du Cottentin au Sud du clocher de Ste. Marie du mont, et de deux lieües à l’Ouest du havre de Quineville. La dune de Varville est le point de terre le plus proche de ces isles qui n’en sont guéres qu’à cinq quart de lieüe : leur forme est longue et assez étroitte, bordées de rochers tout autour, elles ne sont distantes l’une de l’autre que d’environ 300 toises, mais la communication n’en est facile que dans le beau tems.
L’isle d’amont est défendue du côté de la Hougue au Nord-Nord-Ouest par un rocher nommé Auvy presque aussi grand que l’isle qui, dans quelques mortes-eaux, reste à découvert, et ce côté est inaccessible aux bâtimens ; les chaloupes même sont obligées d’en faire le tour pour gagner un petit havre ou les batteaux pêcheurs viennent aborder dans l’isle, et dans lequel ils sont fort à l’abri : ce petit  havre reste à sec à mer basse. Le reste de l’isle est accessible presque partout malgré les rochers dont elle est envirronnée, mais principalement à la pointe du Sud-Est vis à vis Grandcamp à la côte du Bessin, ou le mouillage est fort bon. Les gros bâtimens de 40 et 50 canons peuvent en aprocher fort prés et jusqu'à la portée du fusil.
C’est vers cette partie de l’isle d’amont qu’on croiroit à propos de placer la tour projettée avec le retranchement circulaire qui doit l’entourer ; le terrein de cette pointe se trouve le plus élevé, et est, dans son plus haut point, d’environ 14 pieds au dessus du niveau des plus hautes marées, mais il se termine en pente douce vers la moitié de la largeur de l’isle dont le reste est un bas fond.
La pointe du Nord-Est nommé vulgairement la Foreuse est défendüe par une chaine de rochers très dangereuse pour les bâtimens.
A la pointe du Sud-Ouest qui est la plus proche de l’isle d’aval, se trouve une élévation sur laquelle il pourroit être nécéssaire d’établir une batterie à barbette pour défendre plus favorablement la communication des deux isles et la partie du Nord-Est de l’isle d’aval : l’aproche de celle-cy est très facile partout à l’exception du côté du Sud-Ouest ou se trouve le rocher nommé Bâtin qui en est distant d’environ 200  toises  A un quart de lieüe au large dans le
Sud-Est de Bâtin reigne un banc qui empêche encore l’aproche de l’isle d’aval du côté du Bessin .Ce banc qui peut avoir 1000 toises de long sur 40 ou 50 toises de largeur est sçitué Sud-Est et Nord-Ouest ; il n’y reste à basse mer que 2 ou 3 piéds d’eau, et 10 à 12 de plaine mer ordinaire.
Le banc du Bec, est sçitué Nord et Sud à l’Est des isles de Saint Marcouf, dont il est éloigné d’environ une lieüe.
L’Isle d’aval ètant d’aussi facile accés qu’on vient de le dire, paroîtroit demander aussi quelque défense, d’autant plus que vers le milieu de la longueur qui n’est guère en tout que de 150 à 160 toises, il se trouve à l’Est une petite anse nommée des Mauettes formée par la pointe du même nom qui peut contenir plusieurs bâtimens : c’est dans cette anse que les corsaires des isles angloises ont coutume de se retirer en tems de guerre. Le terrain de l’isle est assez élevé pour les empêcher d’être aperçus dans cet abri, d’ou ils sont à portée de courir sur tous les batteaux qui sortent de la Hougue et des Vés : il reste dans l’anse des mauettes jusqu’à 20 et 30 pieds d’eau en mer basse.

Dans la résolution prise de fortifier les isles de St. Marcouf on remarquera que l’éxécution peut en être aisément troublée par les corsaires et même par les vaisseaux de lignes que rien n’empêchera d’en aprocher de très près, ainsi qu’il a été observé ci-dessus on ne sçauroit donc se dispenser d’y débarquer du canon en y mettant les travailleurs, et d’y établir un bon poste d’Infanterie pour les soutenir ; en cas d’attaque, malgré ces précautions, il sera encore difficile de tenir dans un si petit espace, chacune des isles n’ayant pas 3000 toises  quarrées  de superficie et pouvant par  conséquent
être exposée de plusieurs côtés au feu du canon des vaisseaux ennemis dont un nombre croise actuellement dans la Manche.
On supose que les troupes qui seroient dans l’isle résisteroient à une attaque qui ne seroit pas apuyée d’un feu supérieur d’artillerie, et que les pettits corsaires sans canon y seroient peu à craindre.

Il faudroit peut être se retrancher en arrivant, dans les parties les plus découvertes, ce qui cependant ne pourroit se faire très promptement sans difficulté, parce que l’outil rencontre le roc partout à six pouces et un pied de terre.

On peut conclure de ces observations qu’il seroit nécéssaire d’avoir quelque vaisseau ou frégatte du Roy qui croisât dans la rade de la Hougue pour couvrir les travailleurs, et même pour assurer leur retraitte dans le cas d’une attaque en force supérieure.

Au reste on trouvera dans ces isles de la pierre en abondance pour la construction des ouvrages ; et dans celle d’amont une gréve de 40 à 50 toises de long qu’on à remarquée vers le petit havre dont il à été fait mention plus haut fournira tout le sable dont on pourra avoir besoin pour faire de bonne maçonnerie, on fera venir aisement toutte la pierre de taille nécessaire, soit de Réville, soit de quelques carriéres qui sont à St. Marcouf à une demie-lieüe ou trois quart de lieüe du bord de la mer. Les isles ne produisent point de pierre qui se puisse tailler.

L’on n’oseroit assurer que le puit d’eau douce qui se trouve dans l’isle  d’amont,  suffise  pour  ce  qu’on  y pourra mettre de monde, mais il y a dans le rocher une fontaine d’eau saumâtre qui supléroit dans le besoin, et il semble indispensable de creuser un nouveau puit dans l’ouvrage projetté.

L’isle d’aval n’a qu’une assez mauvaise fontaine d’eau saumâtre.
On ne dira rien de l’ancienne chapelle qui subsiste dans l’isle d’amont et dont le rétablissement est facile parce qu’il sera peutestre jugé à propos de la raser entierement, elle sert à présent de
retraitte aux pêcheurs qui s’y réfugient la nuit pendant le gros tems.

L’on pourroit établir au havre de Quinéville la communication de correspondance avec la terre ferme pour les aprovisionnement nécéssaire aux ouvrages : c’est aussi le lieu le plus commode pour tirer les subsistances à cause du voisinage de Montebourg, ou il y a un gros marché.

A la Hougue le 21 aoust 1756.

Caligny

  
Monsieur Caligny fait monter la dépense à 25.000 livres, il s’agit de construire des redoutes abritant des canons.

(Archives du service historique de l’armée de terre, SHAT, incluant les archives du génie militaire. A1-3419 f° 19)

En fait aucun de ces projets ne verra le jour à cette époque, du milieu du XVIIIe siècle, car en 1780 une lettre du 28 juin de Versailles nous apprend que Monsieur le Duc d’Harcourt s’étant rendu à La Hougue a reconnu la néccessité d’occuper les îles saint Marcouf et d’y installer des batteries de canons et des mortiers sur l’île du large, afin de protéger le cabotage de Rouen, Le Havre, Cherbourg, et d’empêcher les corsaires de s’installer sur les îles Saint-Marcouf.

Mais Monsieur de Sartine est quant à lui plus favorable à la mise en place de corvettes dans les parages des îles car, dit-il, si nous occupons l’île du large, les Anglais pourraient s’emparer et occuper l’autre île (SHAT art. 8 P.A.).



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